Objectifexpo.com a découvert le 28 avril 2009 les sentiers qu’empruntait autrefois Claude Monet, artiste novateur qui deviendra, au contact de Giverny, « peintre-jardinier ».
- Hotel Baudy
Giverny (commune de l’Eure), pour qui Monet eu un véritable coup de coeur et s’y installa de 1883 jusqu’à sa mort en 1926, s’érige comme un village parcours pour le visiteur. L’hôtel Baudy reste la figure de proue du lieu, affectionné par les impressionnistes français certes, mais aussi le révélateur d’une jeune école de peinture impressionniste américaine : restauré à l’identique qu’à l’époque de leur villégiature, il est encore possible aujourd’hui de visiter ce qui fut jadis, leur jardin-atelier et, en prêtant l’oreille, d’ouïr, pourquoi pas, une bribe de leur discussion… En arpentant le village, tout près de l’église et un peu en retrait du cimetière, repose Claude Monet et sa famille : le dessus de la sépulture en marbre blanc est recouverte d’un tapis de fleurs organisées fidèlement à celle, si chère, de son célèbre jardin qui avait fini par être son sang.
Comme le préconise fort justement Caroline Holmes dans son ouvrage Monet Le Jardinier Impressionniste :
« imprégnez-vous de l’atmosphère de la saison tout en marchant paisiblement, puis, maintenant que vous êtes en condition, pénétrez dans le domaine de Monet en passant par la maison ».
La saison printanière s’avère, sans aucun doute, comme la période annuelle la plus judicieuse pour emboîter, pour la première fois, le pas de l’artiste sur les chemins de ce qui constituera pour lui, un havre de paix. Après avoir simplement aperçu cette étonnante coexistence de fleurs, de plantes et d’arbres, constituant des notes colorées orchestrées si harmonieusement, le visiteur est totalement happé par le jardin. Il est emporté par une véritable frénésie colorée qui ne peut le laisser de glace : conçu comme prétexte à peindre par l’artiste, les couleurs y explosent semblables à celles d’un feu d’artifice ! Structurée par une grande allée plongeant vers l’entrée de la célèbre maison au crépi rose ainsi que de plus étroites, la palette est rythmée par les notes colorées des parterres de fleurs champêtres (pensées bicolores, capucines…), ponctuée par la verticalité de fleurs plus hautes telles que les iris ou les tulipes et, pour finir, accentuée par l’aspect graphique d’un arbre (pommier, cerisier…). Tout est savamment pensé et organisé selon le mode créatif du peintre : un vrai régal pour les yeux !
- Jardin du Clos Normand
Mais le clou de la visite n’est autre que le jardin d’eau animé par son pont japonais peint de manière si récurrente par l’artiste.
- Le jardin d’eau
C’est en 1893 que Monet fait l’acquisition de ce second terrain avec déjà pour projet d’y réaliser ce qui deviendra, après son agrandissement en 1901, l’étang aux Nymphéas. Une route (à l’époque, une voie ferrée) séparant le Clos Normand du jardin d’eau , c’est par un souterrain, creusé pour en faciliter l’accès, que le public s’apprête à arpenter les bords de l’eau. Au premier regard, le visiteur est sous le charme : l’endroit respire une profonde sérénité… Tout ce que peut offrir la nature de magique et d’indescriptible se trouve réuni là (chants des oiseaux, bruissements des feuillages au vent, clapotis de l’eau et éclat des fleurs comme les azalées japonaises), l’oeil averti du peintre en plus… Cette fois, ce n’est pas dans un tourbillon de frénésie qu’est emporté le visiteur qui pénètre cette antre, mais dans un inqualifiable instant d’apaisement et de rêverie. A l’instar du premier jardin, pour le moins composé par les allées offrant une perspective irréfutable, le jardin d’eau révèle au public une vue plus diffuse parfois même évanescente des végétaux. Ainsi, d’interminables bambous longent le Ru (petit affluent de l’Epte) sur lequel flotte encore, comme figée dans le temps, les Norvégiennes, ces barques plates, qui véhiculaient d’antan les jardiniers habilités à l’entretien de l’étang (cf. La Barque, 1887). Ce dernier se pose à la fois en maître des lieux tout en s’évanouissant pour n’être plus que reflet, un miroir façonnant la nature selon la lumière qui fascina irrémédiablement le peintre. La connotation avec le jardin japonais y est indéniable, même si Monet la réfutait. Le pont, habituellement peint en rouge dans la tradition japonaise tel une calligraphie saillante, se fond ici dans la végétation par l’emploi du vert. Monet avait choisi de surmonter celui-ci d’arceaux parés d’odorantes glycines mauves alors que les mêmes glycines, blanches cette fois, dégoulinaient en grappes fleuries sous l’arcade du pont : elles se posaient alors en véritable paysage impressionniste dans lequel l’abolition de la perspective s’affirme pour exister en tant que touches de couleurs, finissant par se noyer dans la profondeur de l’étang. La lumière changeante au fil des heures, conférant une dimension à chaque fois unique au paysage n’a cessé de hanter Monet :
« … plus je vais, plus je vois qu’il faut beaucoup travailler pour rendre ce que je cherche : l’ « instantaneité », surtout l’enveloppe, la même lumière répandue partout ».
Immergé au coeur des lieux qui lui inspirèrent des oeuvres si visionnaires, le visiteur se surprend à entrevoir sa quête : il imagine alors l’artiste qui, très tôt le matin et quand le temps lui octroyait ce moment privilégié, se rendait sur les berges de ce splendide étang pour y saisir l’instant de grâce. Esquissées en plein air et croquées sur le vif, ces études seraient ensuite achevées et sublimées au sein de son atelier.
La nature et la peinture n’auront jamais été autant en si totale symbiose.
Toute l’oeuvre de Claude Monet datant de cette période en émerge : le reflet sur l’étang des saules retombants et des peupliers majestueux évoque, par exemple, certaines toiles de la série des Nymphéas, telle que Le Matin Clair aux Saules (1919-1926).
- Matin Clair aux Saules
Dans ces gigantesques tableaux, issus d’un travail acharné, le regard s’attarde sur la texture d’un nénuphar pour se perdre dans la mouvance de l’eau à l’image même du regard que peut porter le visiteur, encore aujourd’hui, sur ce jardins d’eau. Au travers de cette passion pour le jardinage, il est donc aisé de se rendre compte que le terme de création est ici tout aussi approprié de part le choix des couleurs, des formes et de l’organisation globale des plantations. Méticuleux, Claude Monet dut employer jusqu’à sept jardiniers pour l’épauler dans sa tâche.
Même en temps de guerre, Giverny demeura pour l’artiste un lieu de trêve, où rien n’entrava son travail, entouré par sa famille et ses amis, régulièrement invités à y séjourner, comme par exemple Cézanne, Renoir, Rodin, Sisley, Marie Cassatt, pour les artistes, sans oublier, son ami surnommé « Le Tigre » : Georges Clémenceau.
- La maison de Claude Monet
A côté des jardins, il est fort probable que sa maison, nommée le Clos Normand, paraisse au visiteur sous un jour moins spectaculaire, bien qu’imposante et tout en horizontalité. Orientée est-ouest pour sa luminosité, son crépi rose et ses volets verts semblent s’inscrire parfaitement dans la continuité du paysage. Les différentes pièces, soumises à une possible visite, sont chacune peinte dans une tonalité pastel telle que le jaune pour la salle à manger ou le vert pour la chambre : des fenêtre de l’étage, la vue plongeante sur le jardin est impressionnante. Le visiteur pourra également découvrir la pièce qui fut le premier atelier givernois de Monet qui deviendra ensuite le salon familial sur les murs duquel trônaient quelques unes de ses toiles. Pour cet homme assidu en amitié et qui aimait recevoir, le public comprend pourquoi la cuisine siège de façon colossale ! Le plus émouvant, pour l’admirateur de l’oeuvre de Monet, reste peut-être l’extension gigantesque (même si elle abrite aujourd’hui la boutique de la Fondation !), surmontée d’une immense verrière, crée spécialement pour l’élaboration des séries des Paysages d’eau, qui furent la dernière quête d’un artiste à la vue affaiblie.
Durant sa vie, Monet fut grand amateur et collectionneur d’estampes japonaises. C’est pourquoi, le jardin impressionniste témoin de l’univers propre de l’artiste ainsi qu’une reconstitution de sa maison ont été reproduit à Kitagawa au Japon pour célébrer le passage dans le troisième millénaire. L’impact de la création de ces jardins a donc été aussi important dans l’esprit du peintre qui engendra un Impressionnisme, qui s’orienta de plus en plus vers une imagerie abstraite, que dans l’esprit collectif, inspirateur de nombreuses tentatives de ce type de jardin. De la visite de la Fondation Monet, résulte donc l’idée d’une nouvelle façon d’apprivoiser la nature, touchante et respectueuse, qui a induit à cette époque précise une nouvelle manière d’envisager la peinture : une alliance tacite entre deux domaines si merveilleusement exploités par l’oeil d’un peintre devenu aussi jardinier…
NB : à savoir, le Musée des Impressionnistes, qui ouvrira de nouveau ses portes au public pour des expositions temporaires à partir du 1er mai 2009, abritera, à partir de cette date et cela jusqu’au 15 août 2009, l’exposition Le Jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage.
[…] suite à la publication de l’article sur la Fondation Claude Monet et sur le parcours impressionniste offert aux visiteurs de Giverny, Objectifexpo.com a […]