Dans le cadre de sa programmation un timbre – un artiste, le Musée de la Poste a présenté aux parisiens, du 6 avril au 5 septembre 2009, l’exposition insolite : Le Bestiaire d’André Masson.
Objectifexpo.com n’a pas hésité à se rendre sur les lieux afin de vous faire pénétrer dans l’univers incongru du Surréalisme. Plus de 150 oeuvres (huiles sur toiles, aquarelles, livres illustrés, dessins et gravures) composent cette rétrospective inattendue ayant pour thématique les animaux. La carrière de l’artiste et les évènements survenus dans sa vie, tels que son installation en Espagne, aux Etats-Unis ou encore en Provence, s’y retrouvent intimement liés : trés loin du naturalisme, chaque animal, issu de la réalité que l’artiste cotoie, se voit extirpé de celle-ci pour se métamorphoser en Etre surgit tout droit des visions de son créateur.

Bestiaire, A. Masson
L’exposition s’ouvre, en préambule, sur le tableau Bestiaire de 1925 en référence à la courte période cubiste de l’artiste et un tableau automatique de 1927 Les Coqs.
Elle s’articule autour de quatre périodes fondammentales :
- Exil volontaire d’André Masson en Espagne (1933-1936)
- Illustrations d’André Masson réalisées pour les ouvrages de ses amis écrivains surréalistes
- Installation aux Etats-Unis (1941-1945)
- Retour en France au Tholonet près d’Aix-en-Provence (1947)
1. Exil volontaire d’André Masson en Espagne (1933-1936)

Insectes dans un Champ de Blé, A. Masson, 1934.
Sa période espagnole, en Catalogne, est essentiellement représentée sous la forme de scènes de tauromachie et d’insectes. Son graphisme ainsi que la stylisation des têtes n’est d’ailleurs pas sans évoquer au visiteur une similitude avec le travail de Picasso.
Le domaine onirique est très souvent la source de ses créations : les animaux se voient transposés dans un lieu où les références au réel bien que toujours présentes (montagne, rocher, soleil par exemple) sont amoindries par l’absence de hors-champs du cadrage. Ils pénètrent ainsi dans une atmosphère particulièrement mystérieuse, un univers où les poissons semblent flotter dans l’espace du tableau jusqu’à s’identifier à de simples signes plastiques.
Témoins du regard révolté de l’artiste sur la violence présentes dans le monde et des drames qui en sont issus, les animaux de son Bestiaire se métamorphosent, s’accouplent, s’affrontent et se déchirent inlassablement.

La Mort des Amazones, A. Masson, 1933.
C’est naturellement que ce sentiment du tragique trouve également sont inspiration dans la Mythologie (références à au Minautore, Actéon, Diomède par exemple) qui ne cesse de le fasciner.

Actéon dévoré par les chiens, A. Masson, 1933.
« (…) Chez André Masson, la recherche sur la nature s’accompagne d’une recherche sur le Mythe et sa signification. La mythologie va très tôt intéresser le surréalisme où l’imaginaire et le merveilleux seront revisités à la lueur de la psychanalyse. Qu’ils s’appellent Ernst, Miro, Tanguy, Dali… tous les peintres surréalistes ont donné leur propre interprétation des mythes ». J. Rasle, commissaire de l’exposition.
2. Illustrations d’André Masson réalisées pour les ouvrages de ses amis écrivains surréalistes
Le parcours du visiteur se poursuit par la révélation des livres surréalistes d’écrivains comme Bataille, Leiris, Limbour, Aragon, Soupault, Breton… qui ont été illustré par Masson. Les eaux-fortes, documents manuscrits et revues (Minautore et Acéphale entre autres) reflètent les compétences multiples de cet artiste protéiforme.

Revue Minautore

Revue Acéphale
Mais c’est surtout le caractère érotique et graphique de cette période qui sera retenu avec la mise en place de son cabinet érotique : des encres suggestives s’y dévoilent telles que Bacchanales, Sphinx Apprivoisé, Femmes et Poissons, Femmes et Taureaux ou encore un Porc et une Oie.
« C’est ainsi qu’on s’aperçoit que la terre en tournant fait coïter les animaux et les hommes et (…) que les animaux et les hommes font tourner la terre en coïtant ». G. Bataille dans l’Anus Solaire illustré par A. Masson.

André Masson
Le film documentaire de Nelly Kaplan sur les secrets de Masson, A la Source la Femme Aimée, est projeté, comme une halte, sur le cheminement du visiteur : il met en lumière l’imagerie et la pratique de l’artiste surréaliste filmé en pleine création.
3. Installation aux Etats-Unis (1941-1945)

Méditation sur une Feuille de Chêne, A. Masson, 1942
C’est pour échapper à la guerre que Masson part s’installer aux Etats-Unis en 1941 rejoindre d’autres rescapés des avant-gardes européennes comme A. Breton. La nature qu’il qualifie « d’excessive » du paysage américain devient pour lui un élément déclencheur pour explorer l’intériorité de son monde héraclitéen.
« La clé de l’oeuvre de Masson est là : tout ce qui vit, se transforme. Rien n’est jamais achevé », commente J. Rasle.
Masson y opère une transition entre le surréalisme français et l’expressionnisme abstrait américain. L’influence de sa démarche automatique sera alors déterminante sur l’œuvre d’Arshile Gorky ou de Jackson Pollock.
4. Retour en France au Tholonet près d’Aix-en-Provence (1947)
Dans cette ultime partie de l’exposition, l’arrivée de Masson et de sa famille en Provence (Tholonet), dans les paysages de Cézanne, va révéler un monde animal encore différent : celui des cigales et des animaux domestiques.
Le visiteur se trouve devant un bestiaire plus apaisé où se côtoient des toiles aux couleurs impressionnistes comme Rascasse et Grenades (1952), d’inspiration chinoise tel que Chat dans l’Herbe (1954) ou encore de tentation abstraite à l’image du Poisson Légendaire (1958).

Chat dans l'Herbe, A. Masson, 1954.

Salle des écoutes des entretiens d'A. Masson
L’écoute des entretiens audio de Masson avec Georges Charbonnier (1958) et du documentaire André Masson et les Quatres Eléments (1957) clôture l’exposition en amenant doucement l’auditeur à frôler sa perception de la réalité.
Le Bestiaire d’André Masson n’est donc en rien une illustration de la réalité telle que chacun peut la concevoir mais un portrait intérieur de la réalité intime, inconsciente de l’artiste. Rêve, automatisme, allégorie et symbole y tiennent une place prépondérante. Porté par la Nature qui l’entoure, le surréaliste peuple ses toiles d’animaux fortement sexués dans des situations et attitudes improbables souvent violentes, reflet de la cruauté de la société humaine.
Le renouveau apporté à la thématique figurative ne peut qu’être souligné faisant intégrante des points forts de la rétrospective.
Un espace où les repères sont métamorphosés pour emprunter des sentiers surprenants et en perpétuels mouvements qui a séduit Objectifexpo.com pour son audace !